Présentation de la circulaire Dutreil du 16 mai 2003

relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Attendue depuis huit mois, la circulaire Dutreil du 16 mai 2003 vient d’être publiée (JO du 25 mai 2003, ci-joint).

Les principaux apports de cette circulaire, dont le principal objectif est une réduction négociée de la marge arrière (ristournes et coopération commerciale) et un transfert de celle-ci vers la marge avant (baisse des tarifs des fournisseurs ou augmentation des remises sur factures), sont présentés ci-après.


1 Différenciation tarifaire par les fournisseurs

1.1 Principe et conditions de la différenciation tarifaire qui peut être opérée par les fournisseurs

La circulaire prévoit que les fournisseurs peuvent s’écarter de leurs conditions de vente et opérer une différenciation entre les distributeurs pour prendre en compte une situation particulière, sans opérer de distinction entre les avantages de nature qualitative ou de nature quantitative (dernier alinéa du paragraphe 1).

La circulaire insiste toutefois sur le fait que les conditions de vente des fournisseurs devraient comporter plus d’avantages de nature qualitative (5ème alinéa du paragraphe 1 + 1er alinéa du 2.a 2°), par opposition aux avantages de nature quantitative, qui sont très importants aujourd’hui et qui favorisent systématiquement les plus gros acheteurs.

La circulaire rappelle toutefois que, pour ne pas être abusive, une telle différenciation doit bénéficier à tous les acheteurs présentant les mêmes conditions et être justifiée par une contrepartie réelle et proportionnée (paragraphe 2.c), c’est à dire qu’elle doit pouvoir faire l’objet d’une « justification objective » (2ème alinéa du paragraphe 2.a 2°).

Afin de ménager la preuve de cette contrepartie, la circulaire recommande la signature d’une convention (2ème alinéa du paragraphe 2.a 2°).

1.2 Obligation de communication sur les différenciations tarifaires opérées par les fournisseurs

La circulaire prévoit qu’en cas d’octroi de conditions particulières de vente à un client, le fournisseur doit communiquer à tout acheteur qui sollicite le bénéfice de conditions comparables « les critères objectifs qui président à la négociation des conditions particulières de vente » (3ème alinéa du paragraphe 2.a 2°).

Cette disposition est ambiguë. Une chose est sure : l’obligation de communication ne va pas jusqu’à la communication des accords particuliers conclus avec les autres clients (3ème alinéa du paragraphe 2.a 2°). Mais la formulation amène à se poser la question de savoir si l’objectif n’est pas que les fournisseurs rédigent des « conditions particulières de vente » à côté de leurs « conditions générales de vente » ou celle de savoir si les fournisseurs ne doivent pas établir des critères permettant de déterminer quels clients ont la possibilité d’obtenir des conditions particulières de vente.

1.3 Impossibilité de rémunérer en coopération commerciale un service qui figure dans le tarif du
fournisseur

La circulaire précise que si des services font l’objet, dans les conditions de vente du fournisseur, d’une rémunération par voie de réduction de prix, ces services ne pourraient pas, sans discrimination, être rémunérés au titre de la coopération commerciale par ce fournisseur (paragraphe 3.3), sauf abus de puissance de vente de la part des fournisseurs (1er alinéa de l’article 3.1).

1.4 Absence de discrimination en cas de transfert de la marge arrière vers la marge avant

La réduction des marges arrière par une augmentation des marges avant est un objectif tellement important pour le Ministre qu’il précise en fin de circulaire (paragraphe 4) que la DGCCRF ne poursuivra pas les discriminations qui résulteraient du transfert d’une partie de la marge arrière vers la marge avant.

Cela signifie en pratique que si un distributeur négocie avec un fournisseur le transfert d’une ristourne ou d’un budget de coopération commerciale vers une remise figurant sur facture :

- il n’y aurait pas de discrimination de la part du fournisseur et donc pas de critique ni vis-à-vis du producteur, ni vis-à-vis du distributeur,

- le distributeur en cause pourrait donc licitement vendre le produit concerné moins cher que ses concurrents puisque ce prix figurerait sur sa facture d’achat.

Toutefois, il est important de souligner que la circulaire précise que le transfert de la marge arrière vers la marge avant doit être « progressif et négocié »afin de ne pas déstabiliser le marché (paragraphe 4).

1.5 Différenciation en ce qui concerne les escomptes

Il semble que la circulaire autorise également une discrimination entre les acheteurs en ce qui concerne l’escompte (dernier alinéa du paragraphe 1.2 « Conditions de règlement » + 2ème alinéa du paragraphe 2.a 1°).

La circulaire ajoute toutefois des obligations qui ne figurent pas dans la loi en précisant qu’un escompte ne peut venir en déduction du prix à payer, c'est-à-dire être pris en compte dans le calcul du seuil de revente à perte, que si une convention d’escompte a été signée entre un producteur et son client (4ème alinéa du paragraphe 1.2 « Les escomptes »).


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2 Barèmes des fournisseurs

2.1 Limitation de la possibilité pour les fournisseurs d’augmenter leurs tarifs lors du transfert de la marge arrière vers la marge arrière

La circulaire précise que la DGCCRF sera particulièrement vigilante sur les modifications qui seraient apportées par les fournisseurs à leurs tarifs à l’occasion du transfert d’une marge arrière vers une marge avant (Note 1 du 4ème alinéa du paragraphe 4), l’objectif étant que le transfert de la marge arrière vers la marge avant puisse bénéficier aux consommateurs. Plus généralement, la circulaire précise qu’elle s’inscrit « dans un contexte de modération tarifaire » (avant-dernier alinéa du paragraphe 4).

2.2 Interdiction des remises de gamme qui évincent les concurrents des linéaires

La circulaire précise que les remises de gamme contenues dans les conditions de vente des fournisseurs qui auraient pour objet ou pour effet d’évincer les concurrents des linéaires pourraient être constitutives d’ententes illicites, d’abus de domination ou d’abus de puissance de vente (Note 2 du dernier alinéa du paragraphe 2).

2.3 Mention de certains avantages particuliers sur les barèmes de prix

Si l’octroi d’un avantage particulier peut être généralisé à tout acheteur, il y a obligation pour les fournisseurs de le mentionner dans son barème de prix (1er alinéa du paragraphe 1.2 « Les rabais et ristournes » + voir aussi 2ème alinéa du paragraphe 2.a 1°).

2.4 Barèmes différents en fonction des catégories de clientèle

Conformément à la position exprimée par la DGCCRF au cours des dernières années, la circulaire prévoit qu’il est possible pour un vendeur d’établir plusieurs barèmes au profit de plusieurs catégories de clientèle si celles-ci ne sont pas placées sur le même marché (paragraphe 1.1 alinéa 2). La circulaire précise toutefois que cela signifie que les clients en cause ne doivent pas être en concurrence entre eux (paragraphe 1.1 alinéa 2), ce qui est de nature à poser problème dans la mesure où, en pratique, par exemple, un grossiste peut être en concurrence avec un détaillant.


3 Coopération commerciale

3.1 Définition de la coopération commerciale

La circulaire renvoie à la jurisprudence antérieure (paragraphe 3.1), c'est-à-dire que ce qui relève des relations amont (relations fournisseur-distributeur) constitue une ristourne et ce qui relève des relations aval (orienté vers le consommateur) constitue un budget de coopération commerciale.

3.2 Volonté de réduire la coopération commerciale et d’éviter sa reconstitution injustifiée

Il est intéressant de souligner que la circulaire précise que certains budgets de coopération commerciale « pourraient trouver leur place dans les conditions générales de vente », ce qui amène à penser qu’un débat, comparable à celui qui existait avant la loi Galland, pourrait renaître sur les « fausses coopérations commerciales » (3ème alinéa de l’exposé).

La circulaire précise d’ailleurs sur cette question que constituerait une discrimination le fait pour un distributeur d’obtenir un budget de coopération commerciale pour un service qui relève de la fonction même du vendeur (2ème alinéa du paragraphe 3.3).

La circulaire prévoit enfin que la DGCCRF sera stricte dans le cas où, après transfert d’une marge arrière vers une marge avant, il serait constaté que tout ou partie de la marge arrière a été reconstituée ou que des avantages compensatoires ne s’imputant pas sur la facture de vente des produits ont été mis en place. Ceci n’empêche toutefois pas la possibilité de créer de nouveaux services de coopération commerciale, à la condition qu’ils soient « réels et justifiés » (4ème alinéa du paragraphe 4).

3.3 Caractère proportionné des budgets de coopération commerciale

La circulaire rappelle que les budgets de coopération commerciale ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du service rendu et précise que ce caractère proportionné peut notamment s’analyser au regard des éléments suivants :

- Variation de la rémunération en dehors de toute rationalité économique, c’est-à-dire dans le cas où le pourcentage octroyé par un fournisseur à un distributeur est augmenté d’une année sur l’autre sans changement du service.

- Diminution sensible et injustifiée de la consistance de la prestation prévue au contrat. Il s’agit là encore d’une analyse de l’évolution des accords dans le temps.

- Participation financière excessive à une opération commerciale dont l’intérêt n’est pas avéré.

3.4 Contrats de coopération commerciale

La circulaire précise très clairement que le contrat doit être établi avant la fourniture du service (2ème alinéa du paragraphe 3.2).

Par ailleurs, en précisant que le contrat de coopération commerciale doit permettre d’identifier « les dates de réalisation de ces services » (dernier alinéa du paragraphe 3.2), le texte valide les accords de coopération annuelle.

3.5 Caractère rétroactif des accords de coopération commerciale

La circulaire rappelle l’interdiction d’octroyer des budgets rétroactifs et précise que l’effet rétroactif s’apprécie par référence à la date de conclusion de l’accord entre les parties. Aucune indication n’est cependant donnée sur cette notion de conclusion : accord verbal ou écrit, signé par une ou les deux parties ? (avant-dernier alinéa du paragraphe 3.3). En revanche, la circulaire prévoit que les modifications apportées aux accords en cours d’année sont rétroactives (dernier alinéa du paragraphe 3.3).

3.6 Absence de barèmes de coopération commerciale

La circulaire précise que la nature même des services de coopération commerciale ne permet pas l’établissement d’un barème (dernier alinéa du paragraphe 3.1).


4 Opposition entre des Conditions Générales de Vente et des Conditions Générales d’Achat abusives

La circulaire invite les fournisseurs à rédiger des conditions générales de vente en précisant que l’absence de celles-ci pourrait constituer une présomption de discrimination (2ème alinéa du paragraphe 1).

La circulaire ne fixe pas le principe de la primauté des conditions générales de vente sur les conditions générales d’achat. Toutefois, elle précise que, dans l’hypothèse où un fournisseur accepterait de substituer des conditions générales d’achat « abusives » à ses conditions générales de vente, cela pourrait constituer une discrimination illicite voire un abus de puissance d’achat (3ème et 4ème alinéa du paragraphe 1).

Sur cette question, la circulaire pose problème en ce qu’elle utilise improprement l’expression « conditions générales de vente » et non « conditions de vente ».

En effet, l’article L 441-6 du Code de commerce prévoit que, quand ils existent, le fournisseur doit communiquer à son acheteur « son barème de prix et ses conditions de vente », « conditions de vente » qui, d’après ce texte, comportent les « conditions de règlement » et les « rabais et ristournes ». Ce texte n’emploie à aucun moment l’expression « conditions générales de vente ».

Or, dans le langage courant, les « conditions générales de vente » sont constituées de la partie rédactionnelle des tarifs sur laquelle le fournisseur va bien au-delà des simples conditions de prix et de règlement. En d’autres termes, les « conditions générales de vente » des fournisseurs sont le miroir des « conditions générales d’achat » des distributeurs.

Cette utilisation impropre de l’expression « conditions générales de vente » sera, à n’en pas douter, de nature à créer des difficultés entre les distributeurs et les fournisseurs. Ce risque est d’autant plus important que, à la différence de ce qui existe pour les « conditions générales de vente », la circulaire opère une distinction entre les « conditions d’achat » et les « conditions générales d’achat » (3ème alinéa du paragraphe 1).

5 Modalités de paiement

5.1 Modalités de paiement des avantages retirés de la négociation commerciale

En ce qui concerne les modalités de rémunération, la circulaire prévoit que les réductions obtenues à l’issue de la négociation commerciale seront soit des « remises arrière » (c'est-à-dire des ristournes), soit des « remises sur facture » (donc intégrables dans le seuil de revente à perte) « dans le respect des règles de facturation » (2ème alinéa du paragraphe 2 a 2°), ce qui signifie que seules les remises acquises devront apparaître sur les factures des produits.

5.2 Possibilité de mentionner en pied de facture les remises acquises et de ne les payer que de manière différée

La circulaire indique que les réductions de prix obtenues après négociation doivent figurer sur la facture si elles sont acquises au jour de la vente « que leur règlement soit différé ou non », ce qui implique que des réductions de prix acquises peuvent ne figurer qu’en pied de facture puisqu’il est prévu que leur règlement peut être différé (dernier alinéa du paragraphe 2.a 2°).

5.3 Impossibilité de compenser les budgets de coopération commerciale

La circulaire prévoit qu’il est illicite de déduire la coopération commerciale des factures d’achat de produits par voie de compensation sans consentement écrit des fournisseurs (1er alinéa du paragraphe 3.2). Cette remarque a pour objet de mettre fin à certains excès mais sa rédaction trop large la rend contraire au principe de la compensation légale fixée par le Code civil.

5.4 Pénalités de retard

Depuis la loi NRE du 15 mai 2001, les pénalités de retard courent de plein droit à compter de la date d’échéance de la facture, ce qui signifie que les fournisseurs devraient en obtenir le paiement de la part de leurs clients dès le premier jour de retard et que s’ils ne le font pas, un redressement fiscal est encouru.

Sur ce point, la circulaire rappelle qu’en application de la loi de finances rectificative pour 2002 les pénalités de retard qui seraient dues pour la période prenant fin au 31 décembre 2004 seront imposables seulement si elles ont été effectivement facturées et encaissées, et, réciproquement, qu’elles ne seront déduites par le distributeur que si elles ont été payées par celui-ci au fournisseur (paragraphe 1.2 « Les conditions de règlement »).

En revanche, il semble qu’à compter du 1er janvier 2005, les intérêts de retard devront être déclarés par les fournisseurs en produits, alors même qu’ils n’auraient pas été facturés et a fortiori encaissés, dans la mesure où ils auraient dû l’être puisqu’ils sont dus de plein droit.


6. Bilan de la circulaire après une période de 18 mois

La circulaire prévoit qu’un examen des conditions de mise en œuvre sera réalisé durant une période d’application de 18 mois, ce qui laisse augurer de nombreux contrôles de la part de la DGCCRF pendant cette période.

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