Présentation des dispositions de la loi de modernisation de l’économie
(«LME»)
relatives aux relations commerciales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques mois à peine après la loi « Chatel » du 3 janvier 2008, le Gouvernement a souhaité mettre en œuvre  la « deuxième étape de la réforme des relations commerciales » en faisant adopter par le Parlement la loi de modernisation de l’économie en date du 4 août 2008 (ci-après la « LME »), qui vient modifier à nouveau certaines dispositions du Code de commerce applicables aux relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

Les modifications apportées par la LME présentées ci-après de manière synthétique et thématique sont entrées en vigueur après la publication de la LME, sauf celles relatives à la réduction des délais de paiement qui entreront en vigueur au 1er janvier 2009.

1.Suppression de l’interdiction per se des pratiques discriminatoires et renforcement de la « négociabilité » des CGV du fournisseur (art. 93)

Suivant les recommandations du rapport Hagelsteen sur la négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente (CGV) rendu en février 2008, la LME abroge purement et simplement  l’interdiction per se des pratiques discriminatoires qui existait depuis plusieurs dizaines d’années en France.

Les CGV qui peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs, demeurent légalement le « socle de la négociation commerciale » et ne doivent être communiquées sur demande qu’aux acheteurs d’une même catégorie.

Toutefois, la suppression pure et simple de cette interdiction per se accentue le caractère « négociable » des CGV. Ce caractère « négociable » est d’autant plus marqué que la LME supprime également l’obligation de justifier des conditions particulières de vente (CPV) par « la spécificité des services rendus ».

La LME lève donc un certain nombre d’obstacles juridiques à la négociabilité des tarifs et des CGV. Néanmoins, les entreprises devront se montrer prudentes dans leurs négociations car les pratiques discriminatoires abusives resteront condamnables dès lors qu’elles résulteront d’une entente anticoncurrentielle ou d’un abus de position dominante. De même, certaines pratiques seront susceptibles d’être sanctionnées sur le terrain de l’interdiction per se d’autres pratiques abusives énumérées par l’article L.442-6 du Code de commerce, dont certaines nouvelles présentées ci-après.


2. Modifications apportées à la convention commerciale annuelle (art. 92)

2.1 Un contenu sensiblement modifié

La LME modifie l’article L.441-7 du Code de commerce pour redéfinir le contenu de cette  convention écrite obligatoire entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services qui devra désormais indiquer « les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale ».

Dans cette convention qui pourra toujours être établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d'application, figureront désormais les  trois rubriques suivantes :

Les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu'elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l'article L. 441-6 du Code de commerce.

Cette rubrique qui demeure inchangée, vise toujours, à notre sens, toutes les conditions de vente, le barème de prix unitaires, les réductions de prix (rabais, remises, ristournes) et les conditions de règlement négociées sur la base des conditions générales de vente (CGV) du fournisseur, mais également les conditions particulières de vente (CPV


Les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services s'oblige à rendre au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, en précisant l'objet, la date prévue, les modalités d'exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent.

Cette définition élargit sensiblement le champ de cette catégorie des services qui était dénommée en 2005 « services de coopération commerciale ». Désormais, ces services ne sont plus limités à ceux rendus au stade de la revente aux consommateurs, mais visent également ceux rendus en vue de la revente aux professionnels, ce qui permettra par exemple aux grossistes de se faire rémunérer par les fournisseurs pour ce type de services


Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l'objet, la date prévue et les modalités d'exécution.

Cette catégorie remplace désormais la catégorie dénommée auparavant « services distincts » et regroupe « les autres obligations » non visées aux 1° et 2°, dès lors qu’elles sont destinées « à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service ».


2.2 « Les obligations relevant des 1° et 3° » ci-dessus « concourent à la détermination du prix convenu »

Sans fournir davantage de précision, le nouvel alinéa 5 de l’article L.441-7 du Code de commerce indique que « les obligations relevant des 1° » (conditions de l’opération de vente) « et 3° » (autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale) « concourent à la détermination du prix convenu. »

Une telle formulation laisse penser que si les services visés au point 2° (anciens services de coopération commerciale élargis désormais aux professionnels) continueront à être facturés par le distributeur ou le prestataire de services au fournisseur, les obligations visées aux points 1° et 3° devraient en revanche être prises en compte dans la détermination du prix du produit ou service qui sera facturé par le fournisseur.

Cette rédaction soulève, à ce stade, plusieurs questions et incertitudes, notamment quant à la mention sur facture de telles obligations au regard des règles de facturation qui imposent la mention sur la facture de vente des produits,  de toute réduction de prix acquise au jour de la vente et directement liée à la vente. De même, la question fiscale reste entière (obligation pour le prestataire de facturer les services rendus aux fournisseurs avec une TVA à 19,6%).

 

2.3 La date de conclusion est adaptée pour certains produits ou services

Comme auparavant, la convention unique ou le contrat-cadre annuel devra être conclu « avant le 1er mars ». La LME vient toutefois préciser que, s’agissant des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier, la conclusion de la convention unique ou du contrat-cadre devra avoir lieu dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation desdits produits ou services, précision destinée notamment au secteur agricole

3. Dispositions visant à réduire les délais de paiement (art. 21)

3.1 Instauration d’un plafond légal de portée générale dont le non-respect est sanctionné civilement

La LME instaure un plafond légal de paiement de portée générale. Ainsi, en dehors des secteurs déjà réglementés (délais de l’article L.443-1 du Code de commerce et du secteur des transports), les parties ne pourront pas convenir d’un délai de paiement dépassant quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires.

Dans les deux cas, le point de départ du délai correspond à la date d’émission de la facture sauf pour les livraisons de marchandises qui font l'objet d'une importation dans le territoire fiscal de certains DOM/TOM pour lesquelles il conviendra de décompter le délai à partir de la date de réception des marchandises.

Cette disposition est applicable pour tous les contrats « conclus à partir du 1er janvier 2009 », étant précisé que, dans le cas des commandes dites « ouvertes » où le donneur d'ordre ne prend aucun engagement ferme sur la quantité des produits ou sur l'échéancier des prestations ou des livraisons, ce plafond légal s’appliquera aux appels de commande postérieurs au 1er janvier 2009.

Celui qui soumettra un partenaire à des conditions de règlement ne respectant pas le plafond légal, pourra voir sa responsabilité civile délictuelle engagée et se voir infliger une amende civile (article L.442-6-I-7° modifié du Code de commerce, étant précisé que le montant de l’amende civile est augmenté, voir §4.2). Il est également expressément prévu que sera notamment abusif le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture.


3.2 Possibilité de déroger au plafond légal, à la baisse ou à la hausse, par voie d’accords interprofessionnels

La LME donne la possibilité pour les professionnels d'un secteur, clients et fournisseurs, de décider conjointement, par voie d’accords conclus par leurs organisations professionnelles, de réduire le plafond légal et/ou de retenir la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services demandée comme point de départ du calcul du plafond.

Par ailleurs, le plafond légal pourra être relevé par voie d’accords interprofessionnels dans un secteur déterminé sous réserve du respect de strictes conditions. Ces accords dont la durée ne pourra pas dépasser le 1er janvier 2012, devront être conclus avant le 1er mars 2009 et reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence. Ce décret pourra étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord.

3.3 Augmentation des pénalités de retard

La LME relève le montant des pénalités encourues en cas de non-respect des délais de paiement. Ainsi, sauf disposition contraire convenue entre les parties, les pénalités de retard seront, pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2009, égales au taux d’intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (au lieu de 7 points auparavant).

De même, le seuil minimal légal des pénalités de retard passera à 3 fois le taux d’intérêt légal (en 2008, taux d’intérêt légal = 3,99%), alors que, jusqu’à présent, il était de 1,5 fois le taux d’intérêt légal. Les entreprises devront en tenir compte dans leurs CGV et leurs accords commerciaux

3.4 Obligation d’information sur les délais de paiement et rôle des commissaires aux comptes (art. 24)

La LME prévoit que les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes devront, pour les exercices comptables ouverts à compter du 1er janvier 2009, publier des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients suivant des modalités définies par décret. Le contenu de ce décret n’est pas encore connu.
Ces informations feront l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes dans des conditions fixées par ce décret. Le commissaire aux comptes devra adresser son rapport au ministre de l'économie s'il démontre, de façon répétée, des manquements significatifs au plafond légal ou au plafond dérogatoire.

4. Instauration de nouvelles pratiques abusives et renforcement des sanctions (art. 93)

4.1 La liste des pratiques abusives de l’article L.442-6 du Code de commerce est modifiée et allongée

Pour tenir compte de la suppression de l’interdiction per se des pratiques discriminatoires et contrebalancer la liberté accrue de négociation offerte par la LME, le législateur a revu la rédaction de certains alinéas déjà existants de l’article L.442-6 afin de permettre une prise en compte plus large de certaines pratiques abusives, notamment en interdisant de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.


La LME ajoute également de nouvelles pratiques abusives, à savoir : (1) bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant, (2) refuser de mentionner sur l'étiquetage d'un produit vendu sous marque de distributeur le nom et l'adresse du fabricant si celui-ci en a fait la demande conformément à l'article L.112-6 du Code de la consommation et (3) obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 m² qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence post-contractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée supérieure à deux ans.



4.2 Renforcement des sanctions et des pouvoirs de certaines juridictions

La LME augmente le montant maximum de l’amende civile encourue par l’auteur d’une pratique abusive visée à l’article L.442-6 du Code de commerce. Alors qu’elle était plafonnée à 2 millions d’euros, elle pourra désormais être portée au triple du montant des sommes indûment versées.
De plus, la juridiction pourra ordonner, aux frais de la personne condamnée, la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci. Elle pourra également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. La juridiction pourra ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.

Enfin, la LME instaure une compétence exclusive de certaines juridictions pour connaître des pratiques abusives visées par l’article L.442-6 du Code de commerce. Une liste de ces juridictions sera fixée par décret. Ces juridictions disposeront également de la possibilité de consulter la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) sur lesdites pratiques

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