Présentation des dispositions du projet de loi Jacob du 13 avril 2005

relatives à la modernisation des relations commerciales

Après plusieurs mois de discussions et de concertations, le gouvernement a adopté, le 13 avril 2005, un projet de loi « en faveur des petites et moyennes entreprises » qui comporte un titre VI consacré à la « modernisation des relations commerciales ».

S’inspirant des travaux de la Commission présidée par Monsieur Canivet et du groupe de travail sur les « relations Industrie-Commerce » présidé par Monsieur Chatel, ce projet de loi entend renforcer la législation existante dans un certain nombre de domaines, mais sans remettre en cause les principes fondamentaux de la loi Galland du 1er juillet 1996.

Les apports de ce projet de loi, dont le principal est la réforme du calcul du seuil de revente à perte, sont présentés ci-après. A titre de remarque générale, il est important de souligner que, dans sa rédaction actuelle, ce texte pose de multiples difficultés dans son interprétation et son application qui ne manqueront pas d’être évoquées lors des débats parlementaires qui devraient se dérouler en mai au Sénat et en juin à l’Assemblée Nationale avec pour objectif une adoption du texte en juillet. Nous nous limiterons dans la présente note à une présentation objective et non critique du projet de loi.

1. Modification du calcul du seuil de revente à perte

1.1 Prise en compte des marges arrière au-delà d’un seuil de 20%

Sans toucher au principe de l’interdiction de la revente à perte, le projet de loi propose de modifier le calcul du seuil de revente à perte (« SRP ») afin d’inclure dans ce calcul, une partie des « marges arrière » (ristournes et rémunération des services rendus par le distributeur) et de permettre ainsi aux distributeurs qui le souhaiteront de baisser davantage leurs prix de revente aux consommateurs.
Alors qu’aujourd’hui, seules les remises acquises figurant sur la facture du fournisseur peuvent être prises en compte dans la fixation du SRP, le projet de loi prévoit que pourra venir en déduction, dans le calcul du seuil de revente à perte, le montant de l’ensemble des « autres avantages financiers » consentis par le vendeur (comportant notamment les ristournes, les budgets de coopération commerciale, et a priori les autres services rendus par le distributeur) exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et excédant 20%.
 
Ainsi, à titre d’illustration, un produit figurant aujourd’hui sur facture à un prix unitaire de 100 (remises déduites) et pour lequel le fournisseur verse un montant total de marges arrière atteignant 30% du prix du produit, pourra être revendu par le distributeur, au prix de 90 [100-10 (part excédant les 20% précités)].

1.2 Dispositif provisoire pour les six premiers mois

Le gouvernement a prévu un dispositif transitoire permettant de parvenir à cette limite « de façon progressive ». Pour les six premiers mois d’application de la loi nouvelle, le projet de loi prévoit que ne seront pris en compte que 50% du montant total des « autres avantages financiers »

1.3 Les reventes à perte commises avant la fin des six premiers mois d’entrée en vigueur du nouveau texte seront jugées conformément au texte en vigueur au jour de l’infraction

Pour éviter que des infractions commises soit avant la date d’entrée en vigueur du texte, soit au cours des six premiers mois de l’entrée en vigueur du texte, ne soient pas sanctionnées par application du principe de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, le projet de loi prévoit que les infractions de revente à perte commises jusqu’à l’expiration de cette période de six mois seront jugées conformément à la loi en vigueur lors de leur commission.
2. Possibilités de différenciation tarifaire

2.1 Possibilité d’établir des tarifs différenciés selon les catégories d’acheteurs

Dans le prolongement de la circulaire Dutreil du 16 mai 2003, le projet de loi entend préciser, dans le respect du principe de non discrimination, les possibilités de différenciation tarifaire offertes aux opérateurs. Le projet de loi prévoit que le barème de prix et les conditions de vente peuvent être différenciés selon les catégories d’acheteurs de produits ou de demandeurs de prestations de services définies dans des conditions qui seront fixées par voie réglementaire en fonction notamment (1) du chiffre d’affaires, (2) de la nature de la clientèle et (3) du mode de distribution.

2.2 Possibilité de ne communiquer à un acheteur que le tarif correspondant à la catégorie de clients à laquelle il appartient

Dans l’hypothèse d’une différenciation selon les catégories d’acheteurs, le projet de loi indique que l’obligation de communication du barème de prix et des conditions de vente ne s’applique qu’à l’égard des clients d’une même catégorie.

2.3 Possibilité de pratiquer des conditions particulières de vente

Le projet de loi affirme que tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir, avec un acheteur de produits ou un demandeur de prestation de services, de conditions particulières de vente justifiées par la spécificité de services rendus. Ces conditions particulières ne sont pas soumises à une obligation de communication aux tiers.

3. Services de coopération commerciale et autres services rendus par les distributeurs

3.1 Définition légale de la coopération commerciale : services rendus à l’occasion de la revente

Le projet de loi entend donner une définition légale de la coopération commerciale, qui n’existe pas à ce jour. Le contrat de coopération commerciale serait une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s’oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d’achat et de vente.

3.2 Renforcement du formalisme contractuel : forme et contenu du contrat

Le contrat de coopération commerciale sera établi soit sous forme de contrat unique, soit dans un ensemble formé par un contrat cadre annuel et des contrats d’application.
Le contrat unique ou le contrat-cadre devront indiquer (1) le contenu des services et (2) les modalités de leur rémunération. Le contrat unique ou les contrats d’application du contrat-cadre devront préciser en outre (3) la date à laquelle les services sont rendus, (4) leur durée, (5) les produits auxquels ils se rapportent et (6) leur rémunération.

3.3 Calcul de la coopération commerciale uniquement en pourcentage

Dans tous les cas, le projet de loi oblige de prévoir une rémunération du service rendu exprimée en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel il se rapporte.

3.4 Date de signature du contrat de coopération commerciale

Le contrat de coopération commerciale, dont chaque partie devra détenir un exemplaire, devra être établi avant la fourniture du service (ce qui n’était pas précisé par la loi actuelle). Par ailleurs, le contrat unique ou, le cas échéant, le contrat cadre annuel de coopération commerciale devra être rédigé avant le 15 février ou, si la relation commerciale est établie en cours d’année, un mois après le référencement.


3.5 Formalisation des contrats de prestation de services autres que la coopération commerciale

Le projet de loi évoque, sans donner de précision, que les « services distincts de ceux figurant dans le contrat de coopération commerciale », devront faire l’objet d’un contrat écrit en double exemplaire, détenu par chacune des parties, qui précisera la nature de ces services.

3.6 Obligation pour le distributeur de communiquer au fournisseur, avant le 31 janvier, le montant des rémunérations dues au titre de ses services pour l’année écoulée

Le projet de loi prévoit que le distributeur ou le prestataire de services doit faire connaître à ses fournisseurs, au plus tard le 31 janvier de chaque année civile, le montant total des rémunérations se rapportant à l’ensemble des services rendus l’année précédente, exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires pour chacun des produits auxquels ils se rapportent.

3.7 Obligation pour le distributeur de rapporter la preuve de la réalisation des services

Le projet de loi prévoit que, dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, producteur, commerçant, industriel ou artisan, qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l’extinction de son obligation. Ce texte obligera le distributeur à justifier de la réalité des services rendus à son fournisseur. Jusqu’à aujourd’hui, cette charge de la preuve pesait, en cas de poursuite, sur la partie poursuivante (ex : DGCCRF). Remarque : ce texte général s’applique au-delà des contrats de coopération commerciale.

3.8 Sanctions

Le texte sanctionne d’une amende maximale de 75 000 € le non-respect par les personnes physiques de certaines des dispositions précitées. Cette amende est de 375 000 € pour les personnes morales.

4. Encadrement des remises de gamme

Sans édicter d’interdiction générale des remises de gamme proposées par les fournisseurs, le projet de loi entend encadrer les remises de gamme abusives. Le projet de loi prévoit en effet que le fait de subordonner l’octroi d’un avantage quelconque à la présence en linéaire de plus d’un produit, au titre d’un accord ou d’une contrainte de gammes, constitue soit un abus de dépendance économique, soit un abus de puissance de vente.
Il est important de rappeler qu’un accord de gamme étendu ayant pour objet ou pour effet d’évincer des concurrents des linéaires est d’ores et déjà susceptible d’être considéré comme une entente anticoncurrentielle ou un abus de position dominante.

5. Encadrement des enchères à distance, organisées notamment par voie électronique

5.1 Conditions d’organisation des enchères électroniques

Le projet de loi souhaite établir un cadre juridique pour le déroulement des enchères électroniques, en particulier des enchères électroniques inversées (offres de prix de vente de plus en plus bas par les fournisseurs), afin notamment d’assurer une meilleure transparence et d’éviter des comportements déloyaux au détriment des fournisseurs.
 
Le projet de loi prévoit, sous peine de nullité du contrat, le respect de certaines règles lorsqu’un fournisseur s’engage envers tout producteur, commerçant, industriel ou artisan sur une offre de prix à l’issue d’enchères à distance, organisées notamment par voie électronique.
 
 
Parmi ces règles, figure notamment l’obligation pour l’acheteur ou la personne qui organise les enchères pour le compte de l’acheteur, de communiquer, préalablement aux enchères, de façon transparente et non discriminatoire, à l’ensemble des candidats admis à présenter une offre, les éléments déterminants des produits ou des prestations de services qu’il entend acquérir, ses conditions et modalités d’achat, ses critères de sélection ainsi que les règles selon lesquelles les enchères vont se dérouler. A l’issue de la période d’enchères, l’identité du candidat retenu doit être révélée à l’ensemble des autres candidats.
 

5.2 Obligation de conserver un enregistrement du déroulement des enchères pendant un an
Dans tous les cas, le projet de loi oblige l’acheteur ou la personne qui organise les enchères pour son compte à procéder à un enregistrement du déroulement des enchères qui doit être conservé pendant un délai d’un an et qui doit être présenté en cas de contrôle de la DGCCRF.

5.3 Pouvoir du Ministre de l’Economie d’agir devant les Tribunaux de commerce

Le projet de loi précise également que le Ministre de l’économie pourra agir devant les Tribunaux de commerce, à la place du fournisseur lésé, pour demander la cessation des pratiques, la répétition de l’indu, la réparation des préjudices subis et le prononcé d’une amende civile pouvant 2 millions d’euros.

5.4 Obligation de respecter un délai de préavis d’un an en cas de cessation de relations commerciales dans le cadre d’enchères électroniques

Le projet de loi prévoit que lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance par voie électronique, le délai de préavis est au moins d’un an.

6. Modifications procédurales diverses

6.1 Modifications procédurales de nature à faciliter le règlement amiable des dossiers

Le projet de loi propose de reconnaître au chef du service d’enquête de la DGCCRF le droit, après accord du procureur de la République, de transiger avec l’auteur de l’infraction, pour les délits (a priori de nature pénale) prévus au titre IV du Livre IV du Code de commerce pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue, par exemple, non-respect des règles sur la facturation (article L.441-3 du Code de commerce), sur les conditions générales de vente (article L.441-6), sur les services de coopération commerciale et les autres services (nouvel article L.441-6-1 du Code de commerce), sur la revente à perte (article L.442-2), sur les prix minima imposés (article L.442-5) et sur les délais de paiement (article L.443-1). Les modalités d’une telle transaction seront fixées par décret.
 
 
Pour ces mêmes délits, le projet de loi prévoit que le Procureur de la République pourra proposer, par l’intermédiaire d’un fonctionnaire de la DGCCRF, une procédure de composition pénale tant à une personne morale qui reconnaît le délit (cette procédure existait aujourd’hui uniquement pour les personnes physiques). Cette composition pénale, qui évite une procédure pénale, peut notamment consister dans le versement d’une amende qui ne peut excéder le montant maximum de l’amende encourue.

6.2 Modifications procédurales destinées à accélérer les procédures judiciaires

Le projet de loi prévoit que les délits ci-dessus évoqués pourront également être soumis à la procédure simplifiée prévue à l’article L.495 du Code de procédure pénale. Dans le cadre de cette procédure, sur proposition du Ministère public, le Président statue sans débat préalable par une ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation (comme cela existe pour les délits prévus par le Code de la Route). Le Ministère public et le prévenu peuvent former opposition à cette ordonnance. Dans cette hypothèse, l’affaire est portée devant le Tribunal correctionnel.
 
 
Pour accélérer le traitement des dossiers, le projet de loi prévoit encore que, pour les délits précités, la convocation en justice pourra être notifiée au prévenu par un fonctionnaire de la DGCCRF, sur instruction du Procureur de la République.

6.3 Publication des décisions de condamnation

Afin de renforcer l’effet dissuasif des condamnations prononcées pour un des délits prévus au titre IV du Livre IV du Code de commerce, le projet de loi prévoit également que la juridiction peut ordonner que sa décision soit affichée ou diffusée soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, ce qui n’existait pas à ce jour pour toutes les infractions.

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